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Les Notes d'un Souterrain
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19 mai 2009

Au Cœur de ce pays (1977), de J. M. Coetzee

    Pour son premier roman, J. M. Coetzee nous livre une sorte de monologue halluciné avec pour thème premier le père. Une sorte de Lettre au père donc… La référence à Kafka est d’ailleurs présente dans de nombreux passages. Les motifs les plus évidents sont le rêve devant le buisson ardent et, surtout, le terrier dans lequel la jeune fille, Magda, la narratrice, souhaite s’anéantir pour le reste de sa vie. Mais Coetzee se cantonne à la rêverie, au monologue, à la parole qui dit « je » et qui invente, constamment. C’est bien simple, on doute à chaque fois de la vérité des dires de la jeune fille. Comme si nous étions devant un journal intime (avec justement une numérotation de chapitre qui fait penser à ce genre) qui dirait la déception d'une existence sans surprise.

Ce pays est plein de vieilles filles mélancoliques qui me ressemblent, coupées de l’histoire, cafards noirs dans les demeures ancestrales, vouées à astiquer les cuivres et à mettre les confitures en bocaux. Courtisées dans l’enfance par nos pères dominateurs, nous restons d’amères vestales, gâchées pour la vie. L’enfance violée : quelqu’un devrait étudier le noyau de vérité au cœur de ce fantasme. (p. 11)

Mais au-delà du discours déjà entendu de la vieille fille qui se voit en sorcière, penchée au dessus de ses chaudrons poussiéreux et de son grimoire aux pages noires, Coetzee développe dans son discours la crise du lyrisme, la crise du « je » imaginaire dont l’existence est absence, dont la parole est mensonge. La narratrice cherche à s’aventurer au cœur du langage, le véritable pays de Coetzee : « En l’absence de tout rapport avec des êtres humains, j’estime trop haut l’imagination, et je compte sur elle pour conférer aux objets les plus triviaux les splendeurs de la transcendance. Mais à quoi bon la gloire des couchers de soleil, si la Nature ne nous destine pas le message de leurs langues de feu ? » (p. 27). Alors on ne sait plus très bien. On ne sait plus très bien s’il s’agit des lamentations d’une jeune vie gâchée ou si c’est le chant des possibilités infinies du récit, de la parole. On ne sait pas si c’est un drame réel ou un cauchemar fantasmé.

Ce qui me manque, c’est le courage de me taire, de mourir en retombant dans le silence dont je suis issue. L’histoire que j’élabore en chargeant ce fusil n’est qu’un balbutiement apocryphe et frénétique. (p. 99)

Paradoxalement, la quatrième de couverture est sûre d’elle-même, très affirmative, trop peut-être. A tel point qu’après avoir lu le récit on ne comprend pas vraiment ce qui y est écrit. Peut-être ai-je mal lu. Peut-être que je n’ai pas saisi, volontairement ou non, la clé qui m’était offerte en cours de lecture… ? Ou peut-être que la référence à Kafka, autre banni de la vie à cause d’un père autoritaire et qui s’aventura dans les coins sombres des histoires sans fin, m’a influencé trop fortement. Magda, Kafka… On sait le jeu des voyelles, des assonances, dans les récits de Kafka-Samsa (un autre roman de Coetzee a pour titre Michael K, sa vie, son temps, autre référence visible). Magda invente un pays imaginaire, s’y perd, et nous entraine dans ses ténèbres. A nous d'y déceler soit le meurtre commis, soit l'innocence perdue...

Au_coeur_de_ce_pays_Coetzee

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