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Les Notes d'un Souterrain
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28 mai 2009

Inland Empire (2006), de David Lynch

David_Lynch

Un petit garçon sortit pour jouer.
Lorsqu’il ouvrit la porte, il vit le monde.
En franchissant le seuil, il provoqua un reflet – Le Mal était né.
Le Mal était né et suivit le garçon.

     Faut-il voir en Inland Empire le journal expérimental d’un savant fou libéré de la contrainte cinématographique de la story et, d’une manière générale, de toute contrainte narratologique ? Les fragments déliés de ce film apparaissent comme les matériaux nécessaires à une réflexion sur le cinéma et sur l’indistinction entre le vrai et le faux, entre la vérité et le mensonge. Le film semble surgir directement hors de l’esprit du personnage incarnée par Laura Dern, personnage que nous sommes incapables de situer sur un plan précis. Commençons par le titre. Inland Empire est le nom donné à un ensemble de quartiers de la banlieue de Los Angeles. Mais David Lynch s’est rendu compte après coup que Inland Empire était le titre qu’il avait inscrit sur la première page d’un cahier de dessins qu’il tenait durant sa petite enfance. Le choix de la réalisation a aussi son importance. Lynch a opté pour une caméra DV, plus pratique dans son maniement, plus apte à saisir le quotidien, plus rapide dans son mouvement. Le thème enfin. Au début du film, la voisine parle d’un film sur le mariage, sur le meurtre, sur le Mal. Mais d’autres thèmes viennent s’agréger à cela : l’indistinction entre réalité et fiction, entre rêve et cauchemar, brouillage des identités, plongée dans les bas-fonds de la vie et les hauts-lieux de l’existence. L’amour. La mort. Pour faire bref, disons qu’Inland Empire raconte une scène banale de la vie privée d’une américaine. Un mariage qui bat de l’aile. Une infidélité. Des désirs brumeux. Des secrets. Une violence latente. Des rêves.iePosterLarge

Le brouillage de la réalité est un thème récurrent chez David Lynch. Eraser Head, Lost Highway, Mulholland Drive sont des œuvres qui se focalisent sur un point de vue précis, celui du personnage qui rêve une autre vie, transcendance imaginée de toute pièce afin de pallier le côté sordide de l’existence. Soyons plus précis. Les trois films cités parlent de l'échec d'un mariage (ou d'une relation) et de la lente dérive psychotique du mari (Eraser Head, Lost Highway) ou de l'épouse (Mulholland Drive, Inland Empire). D'où le petit discours de la voisine au début du film qui s'amuse à annoncer le thème tant attendu... Le film parle donc d'un mariage, et d'un meurtre. David Lynch se parodie volontairement. Il fait du David Lynch. Le meurtre va alors être brouillé par une vision lumineuse, celle de l’innocence, de l’amour. Les personnages se sauvent littéralement. Fuite hors de la responsabilité, hors du monde, loin des démons. C’est un mouvement qui est à moitié quête, à moitié fuite… Mais les fragments déliés d’Inland Empire sont si éloignés les uns des autres, à première vue, qu’il devient difficile de donner une interprétation logique des événements. Tout est mélangé. Il n’y aura pas de révélation.

Plutôt qu’une révélation, il y aura un grand foutoire, une grande boucherie. Une foire aux images, aux rebondissements, à l’exagération des affects, une femme devant sa télé pleure sans raison, un sitcom avec des hommes-lapins qui n’ont rien à dire, sauf le silence, sauf l'incapacité à dire une parole essentielle… C’est comme l’enfer de la télévision, un déchaînement d’incohérence et de mensonges que la plupart des spectateurs, s’attendant à du Lynch pur et dur, ont pris en plein dans leurs petits yeux impatients et naïfs. Et puis, par-dessus le sentiment d’un immense gâchis, se profile le renouvellement d’un cinéaste qui ose se perdre dans les labyrinthes de son propre terrier, qui ose provoquer le combat avec son propre univers, avec ses propres démons. Le pécheur trouvera-t-il la rédemption ? Il faudra attendre le prochain film du sorcier démoniaque…

Inland_Empire_laura_dern

Une petite fille sortit pour jouer, perdue sur la place du marché,
comme à moitié née.
Mais par la ruelle, derrière la place du marché.
Voilà le chemin qui mène au palais.
Mais ce n'est pas quelque chose dont on se souvient.

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