Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Notes d'un Souterrain
Newsletter
Derniers commentaires
6 février 2010

La Reprise - Jellyfish (2003) de Kiyoshi Kurosawa

En_Prison

 

     Après avoir reçu quelques milliers de mails me demandant de rouvrir mon blog (en fait deux ou trois messages auxquels je n'ai même pas répondu, larve que je suis), je décide de réactiver mon cerveau et d'écrire quelques lignes dans le vide sidérant de la sphère. Oh  non pas quelque chose de révolutionnaire, ni même d'engagé, juste quelques mots de reprise. Le problème avec le net, ce tonneau sans fond, c'est cette impression de voguer sans but précis, dans une mer sans port, un fleuve sans rive, sans courant, de lancer des pierres dans un monde sans gravité. Des mots qui flottent comme des pierres sans poids. Faut-il pour autant s'engager sur tout ? Tournant la tête, je tombe sur une couverture des Cahiers du cinéma que je décrypte immédiatement. Mulholland Drive en gros plan. Avec en prime un classement des films des années 2000. Toujours aimé ce genre de classement. Totalement inutile et pourtant si important dans nos échelles de valeurs, dans nos repères ciné-géographiques. Je constate que Mulholland Drive, A History of Violence et La Guerre des mondes y figurent et cela me contente. Des films américains, vous me direz. Oui mais trois très bons films américains. Je saute des pages et je tombe sur ce dialogue entre Kiyoshi Kurosawa et Joon-ho Bong (réalisateur de The Host qui apparaît dans le top dix des films de 2000). J'écris "dialogue" mais il s'agit plus d'une conversation à la japonaise, pleine de bons sentiments, d'éloges mutuels, de retour de politesse : "J'aime beaucoup ce que vous faites. - Ah, c'est étrange car moi aussi j'aime beaucoup ce que vous faites.", etc. Pas un mot sur le mauvais cinéma. Ou alors un discours du catastrophisme qui se clôt avec le sempiternel "Il reste de l'espoir"… Pourtant une phrase de Bong m'interpelle et me pousse à revoir un film de Kiyoshi Kurosawa :

"J'aime beaucoup Jellyfish (2003) et Tokyo Sonata (2008), ils reflètent si bien la société japonaise, surtout les problèmes entre les générations. Chaque fois que je pense à la société japonaise ou aux japonais des années 2000, c'est Jellyfish qui me vient à l'esprit."

La_meduse

 

  Ce film aux marges de l'autisme, commençant comme un film de Wong Kar Wai (voix off, cadrage bancal, grains sur la pellicule), mêlant les nouvelles pratiques du cinéma (deux types de caméras sont utilisés), lorgnent parfois du côté de l'allégorisme (chose que j'exècre). Mais au-delà de cet ennui, il y a la fascination. Fascination pour cette méduse phosphorescente, symbole d'un idéal romantique, image d'un rêve doux et mortel. Fascination d'une génération amorphe, muette, violente, séparée des autres par un rideau de fer. Le film s'ouvre sur le franchissement de cette frontière. C'est le patron de Mamoru et Nimura. Il demande à ses deux jeunes employés de venir monter un bureau en kit dans la chambre de sa fille. Il voudrait écouter leur musique. Il s'invite dans leur salon et regarde leur télévision. Mais sans tenter de les comprendre. Tout se fait par la force. Ce viol de la vie privée, de l'idéal niais d'un jeunisme à la japonaise, constitue le motif premier du film. C'est lui qui va conduire le reste du film vers le meurtre, le pardon et le retour à l'idéal. Pourtant Kurosawa termine son film sur une note étrange qui rappelle l'Elephant de Gus Van Sant, présenté la même année au Festival de Cannes (2003).  Des jeunes, ignares sans but, rebelles sans cause, tous habillés de la même manière, reproduction infini duKiyoshi_Kurosawa_real symbole de la révolte, errent comme des automates avides de changement et sont filmés par un travelling lent et limpides, comme par un regard extérieur et objectif qui ne peut justement que filmer et non juger.  

 

Les générations japonaise sont isolées dans un mutisme. C'est une barrière infranchissable. Qu'il s'agisse des jeunes dans les films de Kitano (Jugatsu, A Scene at the Sea ou bien Kids Return), de ces pauvres écoliers dans Battle Royal (Que Tarantino classe dans son top 10, la bonne blague) ou des fantômes juvéniles de Kurosawa, toujours la jeunesse semble hors du monde, désengagée, incapable de s'intégrer à une société aveugle et muette. Tous les symboles passés (travail, argent, amour...), qui conviennent si bien aux salary men, semblent être vidés de leur essence pour eux. Rien n'a de signification. Tout se fait comme par automatisme. Le fossé est immense. Ce cinéma-là tente de témoigner pour ceux qui ne savent plus parler. 

 

afficheJellyfisht1Cahier_du_cine_dec

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 15 197
Publicité