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Les Notes d'un Souterrain
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5 juin 2010

Cycle Kitano - Hana-bi (1997)

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      Récompensé par le Lion d'Or à la Mostra de Venise en 1997, Hana-bi a été le film déclencheur de l'enthousiasme des Européens pour le cinéaste japonais. Aujourd'hui, il marque le sommet d'une première période esthétique. Les films qui suivront seront nettement en-dessous : Brother, Dolls, le sympathique Zatoïchi... Kitano aura du mal à retrouver cet élan premier. Si la nouvelle période, ouverte avec la trilogie introspective Takeshis'-Glory to the Filmmaker-Achille, laisse augurer une nouvelle approche esthétique doublée d'une ironie autodestructrice (pour ne pas dire suicidaire), le résultat ne semble pas encore là (et ce n'est pas l'Outrage envoyé à Cannes cette année qui changera cet avis).

Pour quelles raisons Hana-bi peut-il être considéré comme le chef-d’œuvre de Kitano ? Cela tient à mon humble avis dans le fait que le film compile, jusqu'à l'aboutissement, les différentes idées que Kitano avait pu développer jusque là. Et le montage, qui était au cœur de ce développement, offre ici une harmonie entre le fond et la forme. Le personnage central, antihéros kitanesque, est un homme mort à la vie dès le début du film. Il avance à tombeau ouvert. Le voyage pittoresque que font mari et femme n’est qu’un prétexte, une couverture, un trompe l’œil. La mort en est l’issue : « Dans mes films précédents, comme Sonatine, le thème de la mort était obsessionnel. Et pourtant, je fuyais tout face-à-face avec l’idée de la mort. Dans Hana-bi, au contraire, je tente d’accepter cette fatalité. […] Ce film m’a permis de faire face et de trouver les moyens d’apprivoiser mes angoisses. Jusque-là, je me battais contre tout ce que j’avais fait. Je savais bien qu’au fond de moi, quelque chose était cassé. » (Kitano par Kitano, p.151-152). En effet la mort est au centre du film. Mais elle se tient aussi à ses extrémités. Un cycle tout entier structuré par la mort. On apprend que l'inspecteur Nishi a vu sa fille mourir d'une leucémie. On n'en saura pas plus, tout est tenu caché. Quand le film commence, on comprend également que son épouse est atteinte d'une maladie incurable. Puis la mort se répand et l'on assiste, impuissant, à l'agression de son collègue Horibe qui se retrouve paralysé. Guidé par le sentiment d’un destin sans espoir ou d’une malédiction intime, Nishi assiste à la mort d'un de ses collègues, à la condamnation de sa femme par les médecins, à l'impossibilité de "réparer" ce qui a été fait... Sa culpabilité imaginaire éclate peu à peu. La colère qu'il décharge contre le monde n'y changera rien, Nishi vit désormais comme un mort. Le seul but qu'il puisse se donner est de fermer le cercle de souffrance. 

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    La présence de la mort influe sur deux éléments primordiaux du cinéma de Kitano : d'un côté l'ellipse, de l'autre le mélange de la temporalité. L'ellipse fondamentale, c'est bien évidemment la mort de la petite fille qui est tenue secrète, silencieuse. Hana-bi est un long silence sur le deuil des parents, une parole qui ne peut être énoncée. C'est dans ce sens qu'il faut interpréter l'absence de dialogue. Le formalisme gratuit que l'on voudrait imputer à Kitano a une raison réaliste. L'émotion, chez lui, passe par la pudeur, le non-dit, loin de tout sentimentalisme au rabais. On ne nous montrera pas cette mort qui est à la source de toute la souffrance des deux parents. L'autre élément structurant le montage, c'est ce jeu sur les flash-back, ce mélange de la temporalité. Il semble rattaché à une autre thématique, celle du suicide. Comme si, à l'approche de sa mort, Nishi revivait la même scène, indépendamment du présent dans lequel il se trouve. La résurgence du passé éclaire l'errance du personnage, sa volonté autodestructrice et son désir d'harmonie. De ces deux éléments structurels découle un montage ambitieux, déroutant. Tout n'est que souvenirs, tenus secrets ou ouvertement montrés, entremêlés dans un présent linéaire. Seul Horibe, l'officier paralysé interprété par Ren Osugi, apporte la possibilité d'une autre vie possible par le biais de la créativité et de l'imagination. Ses tableaux, qui sont en réalité ceux peints par Kitano lui-même après son terrible accident de scooter, cherchent à transcender l'angoisse de l'exclusion, la douleur de l'infirmité, la réconciliation avec l'idée de la mort. 

Mais la mort, c'est-à-dire le suicide, rattrape tous les personnages... Hana-bi adopte le rythme d'une marche funèbre, bousculée ça et là par des airs joyeux, légers, mais dont la mélodie majeure demeure sombre et mélancolique. La scène finale sera également tenue cachée, hors-cadre, avec cette caméra qui détourne le regard pour englober un espace plus vaste, celui de la mer dont le mouvement infini, sublime, incessant du reflux des vagues reflète le passage du temps et des hommes.

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