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Les Notes d'un Souterrain
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24 avril 2009

La grande Flibuste du Net : piratage et loi Hadopi

piratage_informatique
                                                          © THOMAS Fred/ Hoa-Qui

    Intéressant de voir que c’est la loi Hadopi qui a causé la plus grande indignation dans le vaste monde des rhétoriciens français. Le piratage, lui, s’est insinué doucement, progressivement, imperceptiblement même dans la morale de tout le monde. Comme si contraindre quelqu’un à offrir gratuitement son travail n’était pas si scandaleux… Deux articles récents ont mis en lumière l’absurdité de la sanction de la loi Hadopi (à savoir couper la connexion Internet d’un foyer) en proposant deux points de vue radicalement différents sur le fond du problème. Le premier, de Jacques Attali, prétend que cette loi absurde, scandaleuse et ridicule se situe complètement hors de la réalité du monde. Le second, de Henri de Bodinat, journaliste à Challenge, préfère éviter les sophismes d’Attali et parle d’autres solutions déjà éprouvées.

    Il est certains qu’Attali, se croyant proche de « la jeunesse », commet quelques erreurs de raisonnement : il pense que cette loi est « absurde, parce que plus personne ne télécharge : on regarde ou écoute en streaming ». Certes, nous connaissons tous Deezer ou Megavideo. Mais allez voir le dernier David Lynch sur Youtube, avec un écran pixélisé comme pas possible, un son mono dégoutant, et vous comprendrez que ça n’est absolument pas du goût de tous les spectateurs. Mais là n’est pas le plus gros défaut du discours faussement embrasé d’Attali qui pose comme fondement inébranlable de la condition de l’artiste la reconnaissance éternelle et la gratuité de la culture : « les vrais artistes n’ont rien à perdre à faire connaitre leurs œuvres, ce qui leur attirent de nouveaux spectateurs et les protègent, à terme, contre l’oubli. » C’est une telle niaiserie intellectuelle qu’on se demande comment un homme de pensée a pu écrire un mensonge aussi gros. Monsieur Attali n’a jamais dû entendre parler de Myspace, site où des groupes proposent leurs chansons gratuitement, ni de Radiohead qui a offert son dernier album (ou presque, puisque le montant à payer était décidé par l’internaute). Jacques Attali n’accepte pas que les artistes puissent faire leur propres choix, c'est-à-dire qu’il refuse et nie la responsabilité des artistes, il n’a en tête que Major et autres grandes compagnies mercantiles du disque… En gros, il voudrait nous imposer Metalica ou Obispo comme « objet culturel gratuit »… Non merci Jacquot.

    Le second article est plus modéré. Il ne se permet pas d’envolées lyriques pour plaire à un jeunisme grégaire puant. Il ne fait que dénoncer quelques sites qui violent sans remords ce qu’on pourrait appeler la propriété intellectuelle (si cela a encore un sens de nos jours). Le piratage, en ce qui concerne ce qu’on pourrait appeler les œuvres complexes (nécessitant beaucoup de monde au travail derrière), conduit indéniablement à un appauvrissement de la qualité. Ce n’est pas le cas en littérature ou dans le monde de la musique puisqu’il suffit de peu de choses pour créer. Mais si on prend l’exemple des films de cinéma ou des jeux vidéo, la question devient plus épineuse. Sans financement, le cinéma s’appauvrit, se dégrade et disparaît. Ce fut le cas dans les années 80 en Italie. Rien à voir avec le piratage mais la disparition de subventions a conduit tout simplement à une disparition du cinéma d’auteur. Et c’est paradoxalement ce cinéma d’auteur que personne ne télécharge. Il n’en a rien à foutre du piratage et c’est pourtant lui qui en pâtit le premier. Des films comme Transformers, téléchargés des millions de fois, continueront eux d’exister pour le plus grand plaisir de l’industrie du cinéma mais aussi des pirates. Ce sont les planctons qui survivront à la fin du monde. Deuxième exemple, les jeux vidéo. Tout le monde sait que les jeux consoles sont très durs à pirater, contrairement aux jeux PC qui, une semaine après leur sortie sont déjà disponibles sur les serveurs pirates. Conséquence ? Les jeux sur PC sortent avec six mois voire un an de décalage et avec une qualité pauvre et sans amélioration. Mais les créateurs de jeux ont eu l'initiative d' inventer d'autres sources de revenus par le biais d’abonnement ou de contenus supplémentaires liés à une interactivité sur le Net : « Le mariage des contenus et du Net a conduit à de grandes réussites, comme iTunes ou World of Warcraft. En se libérant de la pesanteur du physique, en s'adaptant à la génération des digital natives, toutes les industries de contenu pourraient convertir leur paranoïa en prospérité et leur mariage raté en lune de miel. » Il est certain que la solution ne se trouve pas dans le tout répressif. Mais laissons aux auteurs la liberté, je dis bien « la liberté », de diffuser leurs œuvres comme ils l’entendent. Ne croyons pas que la culture se situe chez AOL ou Europa Corp. Car comme ça a toujours été le cas et le sera toujours, les plus grands pirates sont ceux qui se foutent le plus de la culture tandis que les vrais connaisseurs seront les plus floués. Le plus aimé est le premier offensé…

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